Jubilatoire, ce seule en scène brillant remet en cause les appartenances identitaires et communautaires. Ou comment faire rire, et simultanément réfléchir. L’autrice Delphine Horvilleur, conteuse et rabbin, manipule l’humour juif avec un raffinement majeur.
Il est le fils imaginaire d’un écrivain fictif. Abraham Ajar, dit AA, se présente en effet comme le rejeton du supposé Émile Ajar, un pseudonyme sous lequel l’écrivain Romain Gary put remporter un deuxième Prix Goncourt avec son roman La Vie devant soi. En choisissant pour héros cet individu à la généalogie incertaine, l’autrice et rabbin Delphine Horvilleur, annonce d’emblée la couleur : nous ne sommes jamais ce que nous pensons être.
À rebours des assignations réductrices, son personnage est de surcroît interprété par une femme, l’actrice Johanna Nizard qui co-signe la mise en scène. Tout en racontant sa vraie-fausse histoire, elle disserte avec humour sur la politique, la religion, mais aussi sur nos narcissismes, nos enfermements, et sur la force de la littérature. Sans autre ancrage que lui ou elle-même, AA revendique haut et fort ses existences multiples. Il invite ainsi chacun à questionner l’étranger qui sommeille en lui et à faire « un pas de géant vers l’autre ».